
Projet de recherche
Les impacts de la pénurie de places en services de garde sur les familles.
La pénurie de places en services de garde éducatifs à l’enfance persiste au Québec. Selon les plus récentes données du MFA, plus de 27 000 enfants sont toujours en attente d’une place à court terme. Ce manque de places amène des conséquences multiples pour les familles. Mais à quelle échelle?
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Pour répondre à cette question, nous avons mandaté de la firme Mallette, afin de réaliser une étude socioéconomique sur les impacts de la pénurie de places en service de garde au Québec, visant à qualifier et à quantifier les impacts financiers, professionnels et psychologiques de cette pénurie.
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Sondage réalisé à l'échelle du Québec, auprès de 1 370 parents d’enfants âgés de 0 et 5 ans, résidents au Québec, du 5 au 19 février 2025.

FAITS SAILLANTS
75%
des parents ont rencontré un délai entre la date d'entrée souhaitée en service de garde et l'obtention d'une place.
57%
des parents ont été confrontés à des contraintes financières importantes lors de leur période sans place en garderie.​
25 535$
c'est le revenu annuel brut que perdent les familles, en moyenne, pendant la période sans place.

COMMENT LA PÉNURIE DE PLACES EN SERVICE DE GARDE ÉDUCATIF À L'ENFANCE
IMPACTE-T-ELLE LES FAMILLES QUÉBÉCOISES?
​75% des familles rencontrent un écart entre la date d'entrée souhaitée en garderie, et l'obtention d'une place.
Parmi elles :
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1 famille sur 3 a attendu plus de 6 mois.
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1 famille sur 6 a attendu plus d'un an.​
​38% des enfants sont en attente d'une place dans un service de garde.
À ceux-là, il faut ajouter 21% des enfants qui ont un statut «en service» sur La Place 0-5. Ce statut indique qu'ils ont une place présentement, mais qu'ils restent sur les listes d'attente, dans l'espoir de trouver une autre place.​
Des familles laissées à elles-mêmes​
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​41% des familles ne peuvent pas compter sur un réseau de proches pour leur offrir du soutien pendant la période sans place en service de garde.
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Parmi celles qui ont eu la chance de
bénéficier de support, seulement 14%
ont bénéficié de gardiennage à temps plein.​​

Un fardeau financier lourd pour les familles
​Les familles en attente d'une place en garderie perdent en moyenne, 25 535$ de revenu annuel brut.​​​​
ZOOM sur l'endettement​
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L'endettement subi en raison de la pénurie de places en SGEE représente
un fardeau lourd à porter pour de nombreuses familles. Au-delà d'une simple
contrainte financière, cette situation affecte non seulement leur qualité de vie, mais engendre également des conséquences réelles sur leur stabilité actuelle et leur avenir.​
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25% des familles, au total, ont dû s'endetter lors de leur période sans place
dans un service de garde. ​​​
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La pénurie de places force les familles à s'endetter, peu importe leur revenu. Si les ménages à faible revenu sont les plus contraints, plus du tiers de ceux gagnant plus de 100 000$ ont aussi vécu cette situation.
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Des dommages importants sur les carrières
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76% des parents ont subi des impacts professionnels à cause de la pénurie de places en services de garde.​
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37% des parents ont dû prendre un congé sans solde.
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33% ont dû modifier leurs horaires de travail.
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31% ont dû réduire leurs heures travaillées.
ZOOM sur les carrières des mères​
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​68% des femmes n'ont pas pu retourner au travail à 100% à la suite de leur congé parental, malgré le soutien de proches, comparativement à 45% des hommes.
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Plus du tiers des femmes ont dû prendre un congé sans solde.​​​​​​​
La pénurie de places, une source d'anxiété pour les parents​
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​93% des familles disent avoir ressenti de l'anxiété, à différents degrés, lors de leur recherche de place.
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37% des familles ont déclaré avoir vécu de l'anxiété de façon fréquente.​
Une détresse psychologique bien réelle​​​​
​​​​64% des familles ont connu des épisodes de dépression pendant leur recherche de place.
Les femmes, encore plus touchées par la crise
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​63% des femmes prennent un congé supplémentaire (sans solde ou non) pour s'occuper des enfants pendant la période sans place, contre 15% des hommes.​
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Les mères sont également plus touchées par les impacts psychologiques liés à la pénurie de places. En moyenne, elles sont deux fois plus susceptibles de ressentir du stress assez ou très souvent que les pères..​​​​
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71% des femmes ont ressenti une tension ou une nervosité élevées, contre 35% des hommes.​
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56% des femmes se sont senties écrasées par les responsabilités liées à la recherche d'une place, contre 27% des hommes.
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55% des femmes ont ressenti que leur bien-être était affecté par la situation, contre 30% des hommes.​
ZOOM sur la charge mentale​
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Les femmes portent encore la majorité de la charge mentale et des responsabilités liées à la recherche d'une place en garderie.
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​73% des femmes s'occupent à 100% de la recherche d'une place, contre seulement 20% des hommes. ​​​
Un accès inégal aux places subventionnées​
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Parmi les familles ayant une place non subventionnée,
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46% paient un tarif quotidien de 55$ par enfant, et
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27% paient un tarif quotidien supérieur à 61$.
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Le manque de places dans les milieux subventionnés ajoute une pression financière importante sur les familles, forçant plusieurs à opter pour des services plus coûteux, souvent non souhaités.
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Le souhait des parents
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88% des parents ayant une place dans un milieu non subventionné souhaiteraient changer pour un milieu subventionné.
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Plus précisément, 70% aimeraient intégrer un CPE si l'occasion se présentait.​​
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Des impacts disproportionnés en région​
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Les familles vivant en région sont plus nombreuses à connaître un délai de plus d'un an entre la date souhaitée d'entrée en service de garde, et la date d'obtention d'une place.
Certaines régions se distinguent tout particulièrement, si l'on se concentre sur la proportion de parents ayant dû attendre plus d'un an :
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37% des parents résidents de la Côte-Nord.
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30% des parents résidents de la Gaspésie - Îles-de-la-Madeleine.​
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Nous rappelons ici qu'à l'échelle du Québec, ce sont 13% des parents qui ont dû attendre plus d'un an entre la date souhaitée et la date d'obtention.
Des pertes de revenu plus importantes en région​​
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Lorsque l'on regarde, parmi les familles dont le revenu a été touché par la pénurie, le taux de parents ayant subi une perte de revenu supérieure à 20 000$ selon les régions, certaines régions semblent plus touchées :
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56% pour la région de l'Abitibi-Témiscamingue.
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49% pour la région de la Gaspésie - Îles-de-la-Madeleine.
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Comparativement à 22% des parents de la région de Montréal.
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Nous rappelons ici qu'à l'échelle du Québec, ce sont 40% des parents qui ont répondu avoir subi une perte de revenu supérieure à 20 000$ en raison de la pénurie de places. ​​
Les familles monoparentales
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​39% des familles monoparentales
ont dû s'endetter pendant leur recherche de place,
contre 24% des familles en couple avec l'autre parent.
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Les familles monoparentales sont parmi les plus touchées
financièrement, puisque la perte de revenu est assumée
par une seule personne, contrairement aux familles biparentales
où elle est généralement répartie entre les deux parents. ​
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​42% des familles monoparentales ont vécu des périodes d'anxiété de manière importante lors de la recherche d'une place, contre 37% pour toutes les familles.
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31% des familles monoparentales ont vécu des périodes d'isolement social de manière importante, contre 19% pour l'ensemble des familles.
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12% des familles monoparentales ont vécu des périodes de dépression de manière importante, contre 8% pour l'ensemble des familles.
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Les familles à faible revenu encore plus touchées​
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​55% des familles de la classe défavorisée, ayant un revenu familial annuel brut de moins de 60 000$, ont dû réduire leurs activités familiales en raison de la pénurie de places (contre 30%, dans le cas des familles de la classe favorisée, ayant un revenu familial annuel brut de plus de 150 000$).
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​36% des familles issues de la classe défavorisée ont dû s'endetter lors de leur période sans place dans un service de garde (contre 15% des familles de la classe favorisée). ​ ​
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Toutefois, il est intéressant de remarquer que, peu importe le revenu familial, la recherche d'une place a des impacts psychologiques importants.
NOS CONSTATS


La crise est toujours bien réelle pour les familles
Depuis le lancement du Grand chantier pour les familles, des milliers de places ont été annoncées. Pourtant, plus de 27 000 enfants sont encore en attente d’une place à court terme. Dans notre sondage, 38% des familles répondantes n’ont toujours pas accès à un service de garde, et 75% ont attendu au-delà de la date d’entrée souhaitée — plus d’un an pour le quart de celles-ci. Pendant ce temps, les familles encaissent des conséquences très concrètes :
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une perte moyenne de 25 535 $ de revenu brut;
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un quart s’endettent pour traverser cette période;
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93 % vivent du stress, et plus de 60 % affirment avoir ressenti des épisodes de dépression.
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Au-delà des données, la pénurie n’est pas abstraite. Elle désorganise la vie des familles, nuit à leur santé mentale et accentue les inégalités sociales.
Lors du lancement du Grand chantier pour les familles, le gouvernement s’était engagé à créer, d’ici mars 2025, 37 000 nouvelles places en services de garde éducatifs, avec l’objectif de garantir une place à chaque tout-petit en services de garde éducatifs à l’enfance. Or, à l’échéance de cette promesse, il manque encore 10 000 places à créer, et la liste d’enfants en attente stagne depuis deux ans. Nous sommes donc encore loin de l’objectif d’une place pour chaque enfant, comme l’avait pourtant promis le gouvernement.


Ce sont surtout les femmes, les familles monoparentales et les régions qui paient le prix fort
Les mères sont en première ligne : 63 % d’entre elles ont dû prolonger leur congé parental, faute de place, et seulement 32 % ont pu reprendre le travail à temps plein malgré le soutien d’un réseau de proches. Ce sont aussi elles qui portent la charge mentale de la recherche et subissent les plus grands impacts psychologiques.
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39 % des familles monoparentales et recomposées s’endettent pendant leurs recherches.
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Certaines familles de régions sont plus touchées, comme celles de la Côte-Nord en termes de délai entre la date souhaitée et la date d’obtention réelle d’une place en SGEE, celles de l’Abitibi Témiscamingue en termes de perte de revenu et celles de la Côte-Nord en termes d’endettement.


Mais le cœur du problème, ce n’est pas seulement le manque de places.
C’est le manque de personnes qualifiées pour s’occuper de nos enfants.
Des places sont « créées », mais elles n’ouvrent pas, faute de personnel. Cette pénurie de main-d'œuvre, majeure et persistante, remet en question le réel accès aux nouvelles places annoncées depuis le lancement du Grand chantier pour les familles. En février 2024, bien que 239 356 places subventionnées aient été offertes à travers le réseau, seulement 200 256 étaient effectivement occupées. Ainsi, 16 % des places disponibles demeuraient vacantes, ce qui pourrait notamment s'expliquer en raison de la pénurie de personnel. ​
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Et même les milieux existants peinent à maintenir leurs services. En 2024 seulement, 4 000 éducatrices ont quitté le réseau. Surcharge de travail, salaire insuffisant, manque de reconnaissance : ce sont les vraies raisons de cette hémorragie.
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Créer des places sans garantir les conditions pour en assurer la qualité, ce n’est pas bâtir un réseau. C’est l’affaiblir. Nous le constatons déjà, par ailleurs, puisque cette pénurie de main-d’œuvre qualifiée entraîne une instabilité chronique, une pression accentuée sur le personnel restant, des bris de services fréquents et une baisse préoccupante de la qualité éducative.


Sans qualité éducative, ce sont les enfants qui paient le prix.
La recherche est claire : la qualité éducative repose sur la stabilité du personnel et sur des éducatrices qualifiées et soutenues.
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Un taux de roulement élevé entraîne des perturbations dans l’attachement et les apprentissages. On observe chez les enfants concernés plus de détresse émotionnelle, moins de comportements prosociaux et des retards dans le développement cognitif et langagier.
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Ces conséquences se répercuteront plus tard dans le système scolaire. Le coût de l’inaction, aujourd’hui, sera payé longtemps.


Pendant que les milieux peinent à recruter, ils manquent aussi cruellement de ressources.
Le manque de ressources financières adéquates freinent la construction de nouveaux projets. Mais la situation n’épargne pas les services de garde déjà en place. De nombreux centres de la petite enfance fonctionnent actuellement en déficit, ce qui limite leur capacité à recruter, à accueillir plus d’enfants ou à maintenir la qualité.
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Ainsi, non seulement les investissements pour créer de nouvelles places sont insuffisants, mais on néglige d’investir dans ce qui existe déjà. Sans soutien aux services existants, les fondations mêmes du réseau sont fragilisées. Tant que les milieux existants peinent à fonctionner, il est illusoire de penser que le réseau pourra être complété. Et tant que le réseau est incomplet, des milliers de parents resteront sur la touche.


Et les impacts dépassent largement la petite enfance.
Quand les parents ne peuvent pas retourner au travail, c’est moins de main-d’œuvre disponible, moins de revenus pour les ménages, moins de recettes fiscales pour l’État.
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Et pour certains, c’est aussi carrément hésiter à avoir un autre enfant : 46 % des parents répondants ayant subi des impacts financiers en raison de la pénurie disent remettre le projet familial en question.


Ce n’est pas une question de moyens. C’est une question de choix.
D’abord, les services de garde éducatifs à l’enfance se paient seuls puisqu'ils permettent aux parents de retourner au travail. Ensuite, il existe un large consensus économique quant aux rendements élevés des interventions préventives en petite enfance et à leurs retombées positives pour l’ensemble de la société.
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De plus, le gouvernement fédéral vient d’annoncer un investissement de près de 10 milliards de dollars pour compléter le réseau des services de garde du Québec au cours des cinq prochaines années. Le gouvernement du Québec a donc accès à d’importantes ressources financières.
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Il n’y a pas d’excuses.
Il faut un plan structurant, à long terme, centré sur la qualité éducative, la stabilité de la main-d’œuvre qualifiée et la viabilité du réseau, pour toutes les familles du Québec.
SOURCES :​
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1 : Tableau de bord, données au 28 février 2025, Ministère de la Famille. En ligne : Tableau de bord du développement des places
2 : Grand chantier pour les Familles, 2021, Gouvernement du Québec, En ligne : Grand chantier pour les familles | Plan d’action pour compléter le réseau des services de garde éducatifs à l’enfance
3 : Étude de crédits 2024-2025, Ministère de la Famille, Renseignements particuliers, Opposition officielle, 2025. Gouvernement du Québec.
4 : Portrait de la main-d'œuvre du réseau des services de garde éducatifs à l’enfance, 2023-2024. Gouvernement du Québec. En ligne : Portrait de la main-d'œuvre du réseau des services de garde éducatifs à l'enfance (SGEE)
5 : Qualité des services de garde éducatifs à l’enfance - Audit de performance. Rapport du Vérificateur général du Québec, 2024. En ligne : Rapport du Vérificateur général du Québec 2023-2024, mai 2024 – Chapitre 4
6 : Construire le sens de la qualité éducative en petite enfance. Lise Lemay et Nathalie Bigras. Presses de l’Université du Québec, 2025.
7 : Radio-Canada. 2024 En ligne : Plus de la moitié des CPE en déficit, du jamais-vu au Québec | Radio-Canada
8 : Investir en petite enfance, c’est investir pour l’avenir, Collectif petite enfance, 2023. En ligne : Investir en petite enfance, c'est agir pour l'avenir​
9 : Communiqué de presse : Le Québec obtient près de 10 G$ de dollars pour le financement des services de garde éducatifs à l'enfance, Cabinet du ministère de la Famille, 6 mars 2025. En ligne : Le Québec obtient près de 10 G$ de dollars pour le financement des services de garde éducatifs à l'enfance Gouvernement du Québec